La Suède, un cas d’école ?

Après presque 8 mois ici et comme le sujet avait l’air d’intéresser ceux qui me suivent sur Instagram et Facebook, je voulais prendre un peu de temps pour résumer nos impressions sur l’école en Suède.



Préambule :

Je tiens avant tout à préciser que ce qui suit n’engage que nous, que cela fait à peine 8 mois que nous sommes là, ce sont donc nos premiers ressentis sans recul. Les mini-pouces ont intégré l’école suédoise à 5 ans, 6 ans et 9 ans. Nos avis auraient peut-être été différents à un autre âge, ou même si nous habitions ailleurs en Suède, car j’imagine que c’est comme partout, c’est très dépendant des écoles voire des enseignants.

Introduction :

Les mini-pouces ont toujours été scolarisés en France dès 3 ans, à leur entrée en maternelle. Ils sont « dans le moule » comme on dit et n’ont pas de difficulté particulière. Ils ont toujours globalement aimé l’école avec néanmoins toujours une légère appréhension avant les rentrées scolaires.

Pour la plus jeune, la séparation a toujours été difficile. A noter qu’en moyenne section de maternelle, il lui arrivait encore régulièrement de pleurer lorsqu’on la laissait à l’école le matin, et la transition école-garderie du soir amenait des pleurs et de l’angoisse également.

Mini-pouce girl, ma plus grande fille, plutôt sensible et surtout très empathique, était très angoissée l’année dernière en grande section en France. Tous les matins, sa première phrase était « Je ne veux pas aller à la cantine ». Elle était assez nerveuse et surtout se rongeait beaucoup les ongles. Elle ne voulait pas aller à la cantine car craignait les punitions collectives. Le personnel de la mairie qui s’occupait de la cantine n’avait à priori pas reçu de formation à l’éducation bienveillante. A l’heure du repas qui doit normalement être un moment de détente pour les enfants, ils recevaient tout un tas de menaces. J’avais à l’époque alerté la directrice, mais je n’avais pas vraiment été écoutée. L’année s’est passée, et en pensant à cette période je m’en veux encore de ne pas avoir assez écouté la détresse de ma fille. Elle m’en a encore parlée plus de 6 mois après, la terreur dans les yeux. Quand votre enfant vous dit « Je me retenais de pleurer car j’avais peur de me faire disputer encore plus », il y a un problème dans le système, on est d’accord ? A sa demande, « pour ne pas que d’autres enfants vivent ça », j’ai écrit un message aux enseignants et à la directrice de l’école en disant que vu comment ça ressortait quelques mois après, je me rendais compte que nous (et je m’inclue dedans) n’avions pas assez pris en compte la mesure de ce qu’il se passait à la cantine.

Pas de réponse. RIEN. NADA. Déception. Et en même temps, pas de grand étonnement vue la non réaction de l’année dernière.

Quant à mini-pouce boy, c’est un garçon avec des facilités certaines. Il comprend vite, aime l’école et n’a pas de problème avec l’autorité ou les règles, donc il n’y a jamais eu de souci ou de fait à rapporter sur ce qui aurait pu se passer en France. Il a toujours apprécié l’ensemble de ses professeurs.

Si je devais donc résumer notre expérience de l’école en France, je dirais qu’elle était plutôt positive jusqu’à l’année dernière et ce problème de cantine. Quand mini-pouce boy a commencé l’école, je me souviens avoir trouvé l’approche éducative basée sur le jeu beaucoup plus adaptée que cela pouvait l’être à mon époque. Par rapport à ce que je découvrais et lisais en parallèle (comme je l’ai déjà dit, je me renseigne beaucoup et suis plutôt orientée parentalité bienveillante et respectueuse de l’enfant), certaines « choses » me choquaient (la chaise à grandir, certains tons des enseignants qui s’adressent aux enfants, des bonbons distribués en guise de récompense et donc pas à tout le monde…) mais égoïstement, j’avoue que comme je savais que mes enfants n’allaient pas sur la chaise à grandir, ne se faisait pas disputer par les enseignants et recevaient les bonbons comme la plupart et bien j’ai laissé couler… et pourtant si j’avais su…

La découverte :

Et côté Suède alors ?

Lorsque nous sommes arrivés ici, la chose qui nous a le plus marqué c’est l’apaisement général que l’on a tous ressenti. Bon, il est vrai que nous avons quitté la région parisienne pour venir nous installer dans la campagne suédoise. C’est forcément différent. Mais tout de même, cette quiétude était plutôt notable et somme toute très appréciable.


Nos 3 enfants sont en école suédoise et ne parlaient pas suédois ni anglais en arrivant ici. Ils avaient seulement pris quelques cours de suédois et savaient dire quelques phrases basiques de présentation. Mini-pouce boy avait 9 ans et serait rentré en CM1 en France. Mini-pouce girl avait 6 ans et devait rentrer au CP. Mini mini-pouce girl, quant à elle, avait 5 ans et s’apprêtait à rentrer en Grande section.

Ici, mini-pouce boy a intégré ce qu’ils appellent la classe 3. Il est avec des enfants de son âge. Comme il a plus de 7 ans, il a eu un accompagnement spécifique en suédois. A savoir qu’au départ il avait 2 fois/jour des cours de suédois 2nde langue avec une professeure de l’école (qui ne parle pas français) dédiée pour lui. Au fil du temps et de son apprentissage de la langue, ces cours se sont espacés. L’école a vraiment pensé son adaptation et intégration, notamment en détachant un élève francophone de son niveau qui l’a suivi partout pendant une semaine. C’est la meilleure option qu’on puisse imaginer pour une intégration au top et rien que pour ça je serai toujours reconnaissante envers cette école. Dès le premier matin passé, il n’a plus jamais eu aucune appréhension. De nature plutôt timide et introvertie, il s’est très vite intégré et a eu de très bons amis très rapidement.

Aujourd’hui au bout de 8 mois, s’il n’est peut-être pas encore bilingue, ça y ressemble. Il comprend tout et parle extrêmement bien. Grand lecteur à la base, il lit désormais aussi bien des livres en français qu’en suédois. Honnêtement je pense que le niveau scolaire a 2 ans d’écart sur la France, notamment en mathématiques où ils font des choses du niveau CE1-CE2. L’enseignement en Suède est moins théorique qu’en France mais la pratique est plus présente avec notamment des cours de couture et de menuiserie puis des cours de cuisine plus grands il me semble (pour ceux qui souhaitent plus de renseignements sur l'école en Suède vous pouvez lire cet article ou celui-ci ). 




Ce décalage pour l’enseignement scientifique notamment ne me dérange pas, l’important pour moi est qu’il se sente à l’aise à l’école et justement ne pas apprendre de notions trop complexes cette année lui a permis de bien se concentrer sur le suédois en début d’année. Il a toujours voulu apprendre plus que ce qu’il faisait à l’école alors on continue et on répond à ses demandes.

Mini-pouce girl est rentrée en « Förskolaklassen », que l’on pourrait traduire par « pré-école ». C’est une classe préparatoire au primaire où  ils découvrent l’école mais globalement ça ressemble plus à « une grande section » en France. Ils apprennent les sons et les chiffres, mais l’apprentissage de la lecture commence véritablement à 7 ans ici. Très ouverte et sociable, elle s’est fait dès le premier jour des amis (‘Ben voyons maman, il n’y a pas besoin de parler pour se faire des copains, on peut parler avec les mains !’ 😂). Elle ne se ronge plus les ongles et n’a jamais dit ici qu’elle ne voulait pas aller à l’école. Depuis notre arrivée on la sent globalement beaucoup plus apaisée (sur le sujet de l'école notamment). Il faut dire que faire l'école dans la forêt (yoga, cours de sport et même pour les plus grands il y a carrément une salle de classe extérieures) ça aide pour se reconnecter à la nature et à se détendre (petits et grands d'ailleurs !). 

Pour la plus jeune, elle est dans une « förskola » qui s’apparente à une crèche. Ici, tout est jeu et basé sur le volontariat de l’enfant. Ils apprennent aux enfants à « être » et rien que cette formulation veut tout dire. Il y a une période d’adaptation au cours de laquelle j’ai accompagné mini mini-pouce girl durant ses premières journée à l'école. J’ai pu constater leur manière d’être avec les enfants. En fait là-bas tout est conçu à la taille de l’enfant, ils aident si besoin mais l’idée est que c’est l’enfant qui fait. Tout y est donc très lent mais surtout extrêmement apaisant. Moi qui suis plutôt super active, pendant cette semaine j’ai vraiment ressenti cette « zénitude » ambiante. Là encore, il y avait la problématique de la langue (aucun adulte ne parle français dans cette école-là) et ils ont tout fait pour que ça se passe bien. En pleine période Covid, les parents n’avaient pas le droit de rentrer dans l’école mais moi, de septembre à décembre, je suis rentrée tous les matins à l’école avec ma fille pour l’accompagner dans les rituels du matin (arrivée, déshabillage, lavage de mains, tableau de présence à renseigner). Il y a dû y avoir quelques pleurs le premier jour et c’est TOUT. D’habitude, elle a beaucoup de mal à supporter les transitions et séparations, mais là je ne saurais expliquer totalement pourquoi, mais ce qui a été mis en place lui a totalement convenu. En décembre, ils lui ont demandé si elle était prête désormais à rentrer seule. Là encore ce changement s’est fait à son rythme et s’est parfaitement déroulé.


Thèse :

La bienveillance suédoise n’est donc pas un mythe. L’enfant est considéré comme une personne à part entière et mérite le même respect que quiconque. Cette place d’égal à égal se ressent dans l’ambiance générale des écoles.

Les adultes prennent en compte la parole de l’enfant et prennent le temps si besoin. Pour illustrer ce propos rien ne vaut un exemple. Après les séances de sport de mini-pouce boy à l’école, les enfants sont censés prendre une douche. Personne ne le faisait. L’enseignante a pris le temps d’en discuter en classe. Elle a demandé à chacun anonymement d’écrire sur un bout de papier si il/elle prenait une douche après le sport et si non, pourquoi ? Ils ont discuté ensemble de la douche et les élèves ont constitué eux-mêmes des groupes pour se doucher ensemble. Alors peut-être que ça ne se passerait pas comme ça partout en Suède, mais en tout cas je sais que là nous où étions auparavant en France, ça ne se serait pas passé comme ça non plus. « Il faut se doucher. A partir de demain, vous vous doucherez. C’est comme ça et pas autrement ».

Un autre exemple parlant est l'accueil des enfants (notamment en "förskolaklassen") : tous les matins l'enseignant se met à hauteur de chaque enfant (aïe les genoux !) pour l'accueillir individuellement et lui demande comment il va. 

Je sonde régulièrement mes enfants sur comment ils se sentent ici, leur ressentis sur l’école ici versus l’école en France, et clairement ce qu’il ressort c’est une plus grande liberté ici, une meilleure gestion des conflits si il y a, et des échanges plus d’égal à égal avec les adultes.

Les règles du collectif sont affichées partout. L’autre jour nous étions au lycée français de Stockholm et il y avait une pancarte « Interdit de jouer au ballon contre le mur », typiquement on ne verrait pas ça dans une école suédoise. Pas d’interdiction mais des consignes claires et qui sont dans l’ensemble bien respectées.


Un autre exemple qui illustre bien le fonctionnement de l'école ici est le local à jeux, une sorte de ludothèque. Dans la cour se trouve une cabane ouverte à tous remplie de jeux d’extérieur (skateboard, rollers, ballon, échasses, craies pour sol, jeux de sable, balais, jeux d'échec, crosses de floorball, livres) dans laquelle les enfants vont se servir. A chaque récréation il y a 1 ou 2 enfants qui tiennent la ludothèque, ils fournissent le jeu demandé. A la fin de la récréation les élèves ramènent le jeu à la cabane. Idem, je ne sais pas si c’est partout pareil et sûrement que certaines écoles en France proposent ce genre de prêts de jeux mais je trouve le concept très sympa et ça fonctionne très bien. Lorsque je vais chercher les enfants à l’école en général la cour est remplie de trottinettes, rollers, craies et dessins par terre et je dois bien avouer que ça me donne sans cesse une vision d’enfants épanouis et heureux d’être là et ça fait du bien. Tout simplement !



Un autre point qui au départ peut surprendre. Les écoles sont totalement ouvertes, sans barrières. Les cours de récréation sont délimitées par des petites marques sur les arbres. Je ne sais pas comment c’est en ville mais ici pas de grillage et chacun peut aller et venir dans l’école. Le weekend on peut donc profiter des infrastructures de l’école qui sont plutôt bien achalandées. Il n’est pas rare que l’on aille jouer dans les cours de récré et même les gymnases de l'école peuvent être réservés pour des anniversaires par exemple. Cette mutualisation des infrastructures résume bien la mentalité suédoise.

Vous l’aurez compris, nous sommes pleinement conquis par l’école suédoise. Peut-être est-ce l’attrait de la nouveauté, notre bonne expérience, je ne sais pas, mais en tout cas je peux l’affirmer, mes enfants sont plus épanouis ici qu’à l’école française.



Antithèse :

Comme dans tout sujet, il y a une controverse, à savoir le mythe de « l’enfant roi ». J’ai entendu dire que c’est difficile pour beaucoup d’enseignants, que les élèves sont irrespectueux et n’écoutent rien. Là encore, cela dépend peut-être des écoles et de l'âge des enfants. Par exemple, le collège est une période compliquée en France aussi. On m’a beaucoup dit que les petits suédois ne sont pas polis. Je suis souvent à l’école et je trouve les élèves beaucoup plus ouverts en France ; en tout cas ils me disent tous bonjour ! Mais peut-être est-ce parce que c’est le seul mot que je comprends 😂! Mes enfants ne sont jamais plaints du bruit ou de la non-discipline qu’il pouvait y avoir à l’école et qui pourrait générer trop de chahut.

Après, je trouve qu’il y a trop d’écrans. La société suédoise est numérisée à l’extrême et à l’école aussi. Mon fils a un ordinateur et travaille beaucoup dessus. Ils n’écrivent pas beaucoup de manière manuscrite. En début d’année, ma fille mangeait dans sa classe (car il y avait des travaux) et ils avaient la télé pendant le repas. Les enfants ont un portable très tôt (mon fils doit être l’un des seuls à ne pas en avoir un). Les enfants passent beaucoup de temps à regarder la télé ou à jouer aux jeux vidéo. Encore une fois, il ne faut pas faire de généralités mais globalement les écrans sont omniprésents ici. Je ne sais pas comment c’est en France pour les adolescents mais ici on m’a rapporté que les réseaux sociaux étaient un vrai fléau.


Conclusion :

Bref, c’est comme pour tout il y a des points qui me plaisent et d’autres qui me dérangent beaucoup. Comme pour beaucoup de sujets et encore plus en ce qui concernent l’enfance, tout n’est pas noir ou blanc. Il me serait impossible (et je me l’interdirais) d’avoir un avis tranché sur la question. La seule chose dont je peux être sûre c’est l’épanouissement de mes enfants à l’instant T et j’avoue que c’est le plus important pour moi.

 

Car cet article n’est que notre expérience et mon avis et qu’encore une fois tout cela peut sembler subjectif, j’invite ceux qui souhaiteraient plus d’informations notamment quant aux résultats des élèves à regarder le classement PISA.



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